mardi 7 janvier 2014

EN MATIÈRE DE CUISINE, LE QUÉBEC N'A RIEN À ENVIER À LA FRANCE

« Poutine, poutine, poutine... Qu’est-ce qu’on va manger pendant deux semaines au Québec ? » Voilà ce que se dit un touriste débarqué de France. Et pourtant, rayon gastronomie, le Québec a un peu plus que ça à offrir.
Pour creuser le sujet, j’ai commencé par aller voir un chef cuisinier... français. Benoît Lenglet, originaire du Nord de la France, est au Québec depuis une dizaine d’années. « Il y avait plus de débouchés ici qu’en France », raconte celui qui, depuis deux ans, est maître des fourneaux et propriétaire du 5e Péché, installé sur la très branchée rue Saint-Denis à Montréal, avec son frère, Benjamin, qui s’occupe de la salle et des vins.
« En France, je n’aurais sans doute jamais eu mon propre resto à 36 ans ; ici, c’est plus facile. »
Benoît Lenglet n’a pas pris l’accent local, mais on le sent bien intégré – tutoiement d’office, prose parsemée d’ « osti » et autres termes locaux.

Viande de phoque

A part le maroilles et la chicorée, que ce Nordiste mêle au terroir québécois, tous les produits sont locaux.

La viande de phoque, par exemple, des îles de la Madeleine, « une viande rouge au goût légèrement iodée, qu’on déguste à peine saisie ».

Herbes marines, champignons délicieux : « En matière de cuisine, le Québec n’a rien à envier à la France », déclare Benoît Lenglet. « Même sur les fromages », assure Laurent Godbout, chef québécois de Chez l’Epicier, un resto gastronomique dans le Vieux-Port de Montréal. Il y a de délicieuses spécialités locales ici, comme le Victor et Berthold ou le Bleu d’Elizabeth...

Le vin est principalement importé d’Europe, mais il y a aussi de très bonnes bouteilles du Québec – du vignoble des Pervenches par exemple – notamment du blanc ; à cause du climat, le rouge, c’est pas encore ça... Comme en France, ici on « tripe » beaucoup sur les vins biologiques.
Viande de phoque (Benoît Lenglet/DR)

Le Québec aussi a ses « foodies »

La province a quelques spécialités incontournables : le phoque donc, les gibiers comme le wapiti, le bison, le cerf ou le caribou.
Laurent Godbout conseille quant à lui aux Français de goûter un bon ragoût de boulettes, fameux plat québécois. Et, au rayon alcool, le cidre de glace – inventé par un œnologue français, mais grâce aux températures rigoureuses de l’hiver québécois.
Depuis environ cinq ans, la tendance « foodies » s’est répandue au Québec : mitonner des petits plats chez soi ou tenir son blog de critiques culinaires est devenu branché.
Il y a donc de plus en plus de restos en ville, de plus en plus de magazines ou d’émissions télé consacrés à la gastronomie... Au Québec, on compte environ un resto pour 400 habitants ! Benoît Lenglet remarque :
« Le problème, c’est que maintenant tout le monde pense qu’il peut ouvrir un resto... »
A chaque saison, de nombreux établissements ouvrent... mais d’autres ferment aussi, du fait de la clientèle mouvante. Chez L’Epicier existe depuis treize ans, et il s’agit d’un des plus vieux restos de la ville.

Des chefs plus ouverts sur l’étranger

Bref, d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique, même les cuisines sont cousines. En fait, les différences se trouveraient plutôt dans les façons de faire... Selon Benoît Lenglet, le chef québécois est par exemple plus ouvert aux autres cuisines.
« A l’école, ils apprennent des techniques d’autres pays ; pour moi, en France, ça n’était pas le cas. »
Laurent Godbout confirme : « Ici, la cuisine est plus cosmopolite, plus ouverte aux influences étrangères. » Selon lui, les chefs de l’Hexagone se reposent peut-être trop sur leurs lauriers, sûrs de l’excellence de la cuisine française...
Et, avance Benjamin Lenglet :
« Au Québec, je ne pense pas que ça viendrait à l’esprit de servir des plats tout préparés, en tout cas pas en se disant “restaurateur”, comme on l’entend en France. Si on sert un tartare, il a été coupé au couteau sur place, et pas acheté tout fait. »

Pourboire et « doggy bags »

Les mœurs de la table changent aussi d’un pays à l’autre. « Ici, les gens aiment la bonne cuisine, moins les restos trop guindés, analyse Laurent Godbout. Chez nous, on fait de la haute gastronomie, mais on peut venir manger en jeans ! »
Et « très souvent, les Français ne laissent pas de pourboire », râlent les frères Lenglet. Les horaires des repas changent aussi : les Québécois, en hiver notamment, viennent « souper » dès 18 heures, et il est rare qu’ils enchaînent entrée-plat-dessert comme en France.
Autre différence, grâce à une nouvelle loi, au Québec on peut maintenant ramener chez soi sa bouteille de vin si on ne l’a pas terminée au resto. Une habitude sur le principe du « doggy bag » pour les restes du repas, que Benoît Lenglet trouve pratique, et malheureusement pas assez française :
« Un jour, dans un resto à Béthune, j’ai demandé au serveur si je pouvais emmener les restes de ma côte à l’os ; ma mère était toute gênée... »

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