dimanche 12 janvier 2014

LA BISE ET LES SALUTATIONS AU QUÉBEC

Salut, ami internaute ! Mais qu'est-ce que tu croyais ? Que la vie c'était simple ? Que la bise c'était universel ?
 C'est compliqué, la vie. Et c'est compliqué, la bise.
 Il y a ceux qui en font deux, ceux qui en font trois, ceux qui en font quatre, ceux qui la font avec leurs lèvres, ceux qui la font avec leurs joues, ceux qui la font avec les os de leurs joues, ceux qui font le bruit du « mouah », ceux qui ne font aucun bruit, ceux qui continuent à te parler en la faisant (et puent du bec, hélas, cinq fois sur six) et ceux qui ne la font pas, ou qui la font mais beaucoup moins qu'en France. On appelle cela des Québécois.
 Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais donner une vue d'ensemble de la situation. Si les Québécois devaient résumer en une phrase leur sentiment, leur ressenti par rapport à cette bise à la française, je suis certaine qu'ils choisiraient celle-ci : "Nous, les Québécois, on fait pas la bise comme vous. OK !!!!?"
 Je crois que cela résume assez bien la situation ainsi que l'exaspération qui est la leur.
 J'imagine que tu es à présent tout déstabilisé. Qu'est-ce que c'est que cette histoire de gens qui ne se font pas la bise ou presque, te dis-tu...
 Je te la raconte, mais seulement si tu t'es brossé les dents et mis en pyjama.
 Il était une fois des gens qui habitaient un grand pays : le Canada. Ce grand pays était divisé en plusieurs parties que l'on appelait provinces. Dans la province nommée Québec, des gens, toujours (les Québécois), avaient l'habitude de voir débarquer quelque 3 500 Français chaque année. Ces Français étaient maudits ou non ; apportaient ou non de la saucisse de Morteau dans leurs valises (pour cela il fallait être rebelle car c’est interdit) ; arrivaient ou non avec quelques milliers d'euros en poche (pour cela il fallait être prévoyant) ; mais importaient, tous, qu'ils fussent rebelles ou non, prévoyants ou non, le concept de la bise à tout va, c'est-à-dire la bise à la française.
 Je crois que ce sont ceux du Sud de la France qui sont les plus dépaysés. Oui, ceux qui ont l'habitude de « se faire le bisou » entre copains, entre mecs. Bien sûr, j'entends par « se faire le bisou » se faire la bise. C'est comme ça qu'on dit souvent dans le sud. On se fait le bisou. Car si la bise se fait de temps en temps au Québec, ce n'est sûrement pas entre mecs. Pas même au sein de la famille. Entre mecs, au Québec (et je t'assure que la rime n'était pas réfléchie), on se serre la main, on se donne une accolade ou on se dit « salut » sans se toucher.
 Ceux qui se font la bise, donc : les amies femmes ; les amis hommes/femmes ; les membres d'une même famille femmes/femmes ou hommes/femmes.
 Ceux qui ne se font pas la bise, donc : les hommes (qu'ils soient amis ou membres d'une même famille) ; les femmes qui se rencontrent pour la première fois ou qui ne se connaissent pas beaucoup ; les hommes et femmes qui se rencontrent pour la première fois ou qui ne se connaissent pas beaucoup.
 Puisque nous évoquons la façon québécoise de se saluer et que j’aime aller au fond des choses, je ne peux pas terminer cet article sans parler de quelques termes foncièrement québécois.
 Ici, le mot « allo » est très célèbre. En France, comme tu le sais, il sert à deux choses : indiquer à son interlocuteur que l'on vient de décrocher le téléphone, et ramener quelqu'un de la lune à la Terre. Eh bien au Québec on l'utilise dans ces deux cas-là aussi mais pas seulement ; en effet, « allo » sert également à saluer. J’imagine que c’est un dérivé du « hello » anglais… ?
 « Allo ça va bien ? » est LA phrase à connaître quand on est au Québec. Un peu comme « Do you speak french? » quand on est en Angleterre ou aux Etats-Unis. Tout le monde la prononce au moins une fois dans la journée. Chaque individu qui a à s'adresser à un autre individu lui demande, en premier lieu, si ça va bien, qu'ils se connaissent ou non. La notion de question y est d'ailleurs quasiment inexistante. « Allo ça va bien » signifie en fait bonjour, mais en plus avenant. Les quatre mots n’en forment plus qu’un seul que nous pourrions d’ailleurs introduire dans tous les dictionnaires de Québécois, à la lettre A :
 allo-ça-va-bien : n. m., invariable. Signifie bonjour, salut. Est utilisé pour saluer quelqu’un à toute heure du jour ou de la nuit. Peut-être employé entre amis ou par des professionnels. « Allo-ça-va-bien !? Est-ce votre première visite chez Toyota de Montréal? »
 Si tu as l'intention de venir au Québec prochainement, habitue-toi tout de suite, donc, à ce que commerçants, vendeurs, serveurs, employés, personnes rencontrées il y a trois secondes, etc., te demandent, d'entrée de jeu, si tu vas bien.
 Autre terme qui détrône souvent le traditionnel bonjour : « bon matin » - calqué littéralement surgood morning. Personnellement je ne m'y suis jamais fait au « bon matin ». Il ne VEUT PAS sortir de ma bouche. Il ne le VEUT PAS.
 Enfin, pour dire « au revoir », il n'est pas rare que les Québécois disent « bonjour ». C'est surprenant sur le coup mais… quand on y pense… On dit bien « bonsoir » lorsque l'on se quitte le soir, alors pourquoi pas « bonjour » le jour ? Cela dit, le mot le plus utilisé pour dire au revoir est quand même le fameux « bye », aussi mis au pluriel assez souvent : « bye bye ».
 Article dédié au bisou oblige, je tiens à t'informer qu’il existe, parmi les journées mondiales de l’eau, de la ménopause, des ninjas, de la plomberie, des oiseaux migrateurs et des collants, la journée internationale du baiser – le 6 juillet pour être exacte. La question n’est pas de savoir si cela nous autorise ou non à rouler exceptionnellement une pelle à notre prof particulier d’accordéon, mais plutôt de nous interroger sur ce que penserait Vercingétorix de tout cela.

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